CURIOSITÉ ET SENTIMENTS

L‘après-midi avançait. Il avait plu toute la nuit précédente et une grande partie de la matinée. Les nuages étaient encore sombres et chargés d’eau, mais des éclaircies apparaissaient timidement dans le voile des nuages s’étendant sur la forêt de Forks. Edward et Jasper étaient sortis chasser, la fin de l’averse ayant permis au gros gibier que nous chassons de se montrer à nouveau (bien que leurs cachettes ne restent jamais très longtemps « secrètes » pour nous de toutes façons. Nous sommes fairplay c’est tout. Enfin, la plupart du temps…).

Les garçons dehors, et le reste du petit monde à la villa, je pouvais me promener tranquillement au travers des sentiers. La nature après la pluie est sûrement l’un des instants que j’affectionne tout particulièrement. La terre est gorgée d’eau, les résineux sentent plus fort, l’air chaud et humide emprisonné sous les fougères s’échappe progressivement… On est comme dans une bulle. Tout n’est que quiétude, en attendant que la nature reprenne normalement son cours.

Oh je savais bien que les garçons n’étaient pas loin. Je sais toujours où est Jazz. Il est comme mon Nord magnétique avec ma personne pour aimant. Attirée irrémédiablement. Je pourrais le retrouver dans la plus grande des foules faisant le plus assourdissant des brouhahas et plongé dans la plus noire des nuits. Et ce même sans utiliser mon don.

On donne beaucoup trop d’importance à mes visions d’ailleurs. Je ne peux pas tout prévoir. Heureusement, car cela gâcherait toutes les surprises. Et j’aime les surprises. Bien que celle-ci, on peut dire que je ne l’ai vraiment pas vu venir.

Perdue dans mes pensées (d’un intérêt minime sur l’instant d’ailleurs, évitons d’encombrer le récit avec des futilités), je ne me suis pas aperçue tout de suite que les garçons s’étaient déplacés, me faisant ainsi entrer dans leur champ de vision. Une trouée dans les nuages les éclairait, la scène était sublime. Mon Jazz semblait auréolé de lumière. Un ange immortel me regardant avec le plus beau des sourires. Jasper ne se rend pas compte a quel point je peux l’aimer quand il me regarde avec ces yeux là.

Je suis restée figée à contempler mon amour que la nature semblait glorifier. Jusqu’à ce qu’un détail vienne troubler mon attention : la tête d’ahuri que faisait Edward. Vous vous en doutez sûrement, néanmoins il est important de préciser que mon frère, toujours maître de lui même qu’importe les circonstances (sauf en de rares exceptions), ne fait JAMAIS ce genre de tête. Ou alors c’est qu’il se prépare un truc vraiment, mais vraiment, incroyable.

Et vu ce c’était mon cher et tendre qu’il fixait intensément avec ses yeux de merlans fris, mon petit doigt me disait fortement que c’était Jazz l’auteur de ce trouble si inhabituel. Ou plutôt, les pensées de Jazz pour être précis. Malheureusement, et contrairement à Edward, je ne peux pas entrer dans la tête de mon bien aimé (ce que j’adorerais cela dit en passant. Juste un peu, un tout petit peu…). De banales pensées ne changent pas l’avenir. Il faut qu’elles prennent du corps, de la consistance, et qu’à force de maturation elles deviennent un choix. Ce n’est qu’à ce moment là qu’il m’est permis de voir ce qu’il en retourne dans mes visions. (comme le fait de dire « Oh tiens c’est joli » ne veut pas systématiquement signifier « je vais l’acheter », vous avez le droit de « juste » trouver cela joli, vous voyez) – (messieurs, prenez notes, cette traduction de « ce que veulent vraiment dire les femmes quand elles parlent » peut un jour vous être utile).

Ne faisant cas de rien (Edward m’aurait étripé si jamais il s’était aperçu que je l’avais surpris en flagrant délit d’expression peu flatteuse à son égard) ; (mon frère, si tu lis ces lignes, n’oublie pas que je suis ta soeur adorée et que tu m’adores, hein), j’ai continué ma balade, pensant bien que ce n’était pas en me rapprochant d’eux que j’allais obtenir des réponses. En effet, Jazz me connait trop bien : il sait quoi faire et quoi décider pour que son futur ne me montre rien. Le gredin. Seulement, ce n’était pas sans compter sur Edward, qui lui est beaucoup moins entraîné (comment ça je suis impitoyable ?).

En utilisant mon don, j’ai pu donc voir qu’il comptait rentrer à la villa et agir comme si de rien n’était. Hummmm. C’est louche ! Cela ressemble fort à un de ces accords tacites que les hommes pratiquent souvent quand ils se comprennent à demi-mots. Le problème est que ça ne résolvait pas mon affaire ça. Il allait donc falloir que je travaille Jasper au corps (mon activité favorite). Je déteste ne pas être au courant !


Ma moitié m’avait vu venir de loin, bien sûr (même sans vision) – (je vous ai déjà dit qu’il était très fort ?), devinant à milles lieux que mes antennes étaient dressées sur la fonction « il se passe chose de louche, JE VEUX SAVOIR ! ». Fort heureusement, Jazz ne me résiste jamais bien longtemps, hihi (sauf peut être la fois où… nan, ce sera pour une autre fois). Il me connaît peut être par coeur, mais je sais comment lui il fonctionne.

Je l’ai trouvé dans notre chambre, à lire nonchalamment un livre (un pavé bien poussiéreux, vous vous en doutez) dans son fauteuil près de la fenêtre. Le soleil avait enfin percé, renvoyant les nuages vers les collines au lointain. Des rayons de lumière, les derniers avec la venue du soir, traversaient le voilage suspendu aux fenêtres pour se poser sur les pages datées de son ouvrage. Une scène presque irréelle. L’atmosphère présente alors dans la chambre a arrêté mon élan combatif, n’osant déranger ce lieu serein et paisible où je venais d’entrer. Jasper a levé les yeux de sa lecture pour les poser sur moi. Ils étaient tellement chargés d’amour et à la fois tellement graves que je n’ai plus osé bouger. L’intensité de ses émotions était palpable dans l’air. On aurait pu la toucher. S’en était presque… effrayant. J’étais toujours sur le pas de la porte et Jasper assis à l’autre bout. Nous n’avions pas bougé. Pas un seul mot n’avait été échangé. Et pourtant. Son visage rempli d’amour, un amour sans fin et inconditionnel, était animé de diverses expressions passants imperceptiblement sur ses traits. Seules traces tangibles du flot de pensées qui emplissait alors son esprit. Quelqu’un d’autre que moi ne les auraient pas remarqué.

Au fur et à mesure que les secondes passaient, la tension entre nos corps immobiles semblait remplir l’espace de la pièce. Le coeur que je n’ai pas s’est mis à battre plus vite. « Que se passe-t-il pour que Jasper se comporte ainsi ? ». De nombreux scénarios défilèrent alors. Incluant toutes les possibilités. Toutes. Tout allant très vite. « Jasper n’a jamais été ainsi… sauf… Non ! Il ne ferai pas ça… ? ». Le temps sembla s’arrêté. La panique m’a gagné. Je ne voulais pas y croire. Pourtant j’étais terrorisée. Je ne savais plus quoi faire. Je ne voulais pas utiliser mon pouvoir afin d’en être sûre, non, je ne voulais pas… Si jamais ce n’étais pas ça, je…

Semblant avoir compris ce qui traversait mes pensées en cet instant, comme en réponse à mes interrogations silencieuses, Jasper s’est lentement levé de son fauteuil. Sa lenteur délibérée me faisait mal. Je sais qu’il le faisait pour ne pas me brusquer, sachant que j’avais compris. Mais je voulais à la fois qu’on en finisse et que cet instant dur toujours. Pouvoir contempler cet être si pur qui me renvoie l’amour si grand que je lui porte pour l’éternité. À jamais.

Jasper s’est approché, ses yeux ne lâchant jamais les miens. Il s’est arrêté un instant, comme si il cherchait par où commencer. Je n’osais pas esquisser le moindre geste, craignant que mes jambes ne me portent plus au plus infime de mes mouvements. Puis, tout naturellement, Jasper a pris ma main. Il l’a porté à ses lèvres et l’a baisé telle la chose la plus fragile du monde. Sa tête s’est redressée, son regard rempli de braises s’était décidé. Il a posé un genou à terre et m’a demandé : « Veux-tu m’épouser ? ».

J’ai relâché la respiration que je ne me souvenais pas avoir retenu et dans un souffle lui ai répondu : « Oui, oui, milles fois oui ! »


Ce furent les première paroles que nous échangions ce soir là, et les dernières jusqu’à une heure avancée de la nuit. Ce n’est que le lendemain matin, une fois remis de nos émotions (je n’étais pas la seule à être nerveuse apparemment) que nous avons décidé de rassembler toute la famille au salon. Edward me suivait du regard avec le sourire ravi des taupes qui savent une bonne nouvelle bien avant tout le monde (ce qui lui a valu une grimace fort peu élégante de ma part, je l’avoue).

Esmée, fébrile, sentait depuis plusieurs heures que quelque chose se tramait. Carlisle essayait vainement de trouver d’où venait son excitation pour la calmer. De son côté, Emmett, la mine boudeuse, tentait de comprendre le méli mélo des expressions de chacun, flairant une connivence certaine entre ses deux frères. Rose quant à elle essayait, de trouver une place sur le canapé lui permettant de voir et d’être vu, tout en restant à une distance certaine de sa bête noire favorite (ou plutôt, sa bête brun roux). Jake, vautré à l’autre bout du canapé, était calée contre Renesmée, elle même contre sa mère. Enfin, Edward s’était appuyé sur l’accoudoir, les bras autour de Bella. Ma chère soeur ne se doutait pas une seule seconde de ce que nous nous apprêtions à leur annoncer.

Est-il nécessaire de préciser que l’annonce notre mariage fut dûment acclamé ? 

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