My broken Mariko de Waka Hirako

J’admets avoir eu peur en tenant cet ouvrage entre les mains. Pas peur que ce soit mauvais, mais peur de ce que j’allais ressentir à sa lecture. Depuis le drame qui m’a secouée, je suis devenue bien plus sensible à ce genre de récit. Pourtant, l’histoire de Tomoyo et Mariko m’appelait de toute ses forces alors j’ai fini par craquer.

  • ASIN : B08J55MQW4
  • Éditeur : Ki-oon
  • Date de sortie : 28 janvier 2021
  • Prix éditeur : 9,95 €
  • Broché : 198 pages
  • ISBN-13 : 979-1032707791

Son résumé :

Le road trip rédempteur qui a ému le Japon !

Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n’en croit pas ses oreilles. Elles s’étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s’est vraisemblablement suicidée…

Mon avis :

Indéniablement (décidément, j’aime bien ce mot), ce manga m’a secoué de la tête aux pieds. Déjà par sa force narrative, mais aussi par ce coup de crayon incisif, parfois empli de rage et de désespoir qui va jusqu’au bout des choses. Le graphisme ne ménage pas le lecteur. Sans doute plus que l’histoire en elle-même qui est abordée de façon incroyablement pudique.

Tomoyo apprend un peu par hasard la mort de sa meilleure amie. Très vite, après l’incompréhension que suscite une telle nouvelle, Tomoyo n’a plus qu’un but : récupérer l’urne funéraire de son amie. Parce que Tomyo lui a toujours promis d’être là pour elle. Parce qu’elle était la moins brisée des deux, la plus forte.

[Avant d’aller plus loin dans mon billet, j’aimerais rappeler qu’au Japon, il n’est jamais de bon ton de montrer ses émotions. Par exemple, à un moment dans le manga, quand Tomoyo explique à un collègue que sa meilleure amie est morte et qu’elle a besoin de temps, ce dernier lui dit que ce n’est pas une raison valable pour s’absenter ou faire un moins bon travail.]

À travers la douleur du deuil, s’ajoutent également les réminiscences d’un passé sordide pour Mariko. Enfant battue et violée par son père, rejetée par sa mère qui l’accuse de tous les mots. Sans Tomoyo entrée à ce moment-là dans sa vie, Mariko aurait probablement sombré bien avant d’une manière ou d’une autre.

À travers cette histoire de deuil, de suicide, c’est également une mise en avant (peut-être un peu timide) sur ce que vivent ces enfants victimes de violence familiale et d’inceste. Je trouve que Waka Hirako en parle sans en faire trop. Le graphisme est là, plus que les mots, pour dénoncer ces faits divers trop souvent étouffés. Parce qu’il y a la honte, parce que tout le monde préfère faire l’autruche. Et d’ailleurs, j’ai remarqué que dans les souvenirs de Tomoyo, hormis, elle, personne n’avait l’air de s’étonner du visage contusionné de la petite fille.

On pourrait regretter que la mangaka n’aille pas jusqu’au bout des choses, mais le sujet n’est pas vraiment là. Il s’agit d’un road-trip funéraire, la promesse d’une amie à une autre…

Oui, Mariko était brisée, et sa vie d’adulte a été définie par ce passé qui a fini par l’engloutir. D’ailleurs, Mariko, dans les souvenirs de Tomoyo, le dit souvent. Et une phrase qu’elle prononce m’a émue aux larmes :

« J’aimerais bien me réparer, mais je ne sais plus par où commencer ! » Tout est dit en deux bulles.

Cette vie et ce poids étaient trop lourds à porter pour cette jeune fille malheureuse et amochée.

Tomoyo va donc faire ce qu’elles avaient toujours rêvé de faire ensemble : un road trip. La jeune femme emmène avec elle les cendres de son amie, bien décidée à tenir cette promesse !

Bien sûr, ce périple ne sera pas sans blessure (de l’âme). C’est incisif, coupant, ça fait mal et pourtant, Tomoyo arrivera à trouver une forme d’apaisement au rythme de rencontres aussi improbables qu’essentielles. Je salue la sensibilité à fleur de peau de Waka Hirako qui nous offre là une œuvre magistrale.

Tomoyo est une héroïne forte, très expressive. À propos, voilà un personnage atypique pour une Japonaise. Tomoyo n’a pas peur de montrer ses émotions et elle les vit aux centuples. Le dessin de Waka Hirako transcende cette souffrance et cette impuissance que ressent son héroïne. C’est très fort et osé. « Expressif » est mot qui définit très bien le coup de crayon de la mangaka tantôt violent, acharné ou plus doux.

Et puis, deux planches m’ont particulièrement parlé. L’une d’elles m’a même laissé sans voix parce qu’elle est bourrée de significations. Pour moi, c’est même un coup de génie ! Quant à l’autre, c’est une phrase dite par un inconnu au sujet du deuil :

« Le seul moyen de ne jamais perdre contact avec les absents c’est d’être soi-même en vie ! »

Peut-être que pour certains, ça paraitra bateau, mais je peux vous garantir que c’est important de se le rappeler quand on a perdu un être cher.

J’admets avoir pleuré comme un bébé à la lecture de ce one shot. C’est beau, c’est pensé avec finesse, ça prend aux tripes et puis ça fait réfléchir.

Dans l’ensemble, My Broken Mariko est un joli coup de cœur pour moi. Une histoire importante. Parce que justement, au fond, ce n’est pas juste une histoire.

Suite à cet OS, j’ai eu la surprise de découvrir une interview de la mangaka qui explique comment elle a imaginé ce récit et comment elle est devenue mangaka. Il faut la lire pour mieux appréhender My Broken Mariko.

My broken Mariko de Waka Hirako

9,95€
9.5

Dessins et Mise en pages

9.5/10

L'histoire

9.2/10

Les personnages

9.5/10

L'intrigue

9.2/10

Mon intérêt

10.0/10

Les plus :

  • La manière dont est traité le deuil
  • La plume incisive de Waka Hirako
  • Le personnage de Tomoyo atypique pour une Japonaise

Artemissia

Artemissia🦋 Je m'occupe du blog Songe d'une nuit d'été depuis 15 ans. J'aime la littérature sous toutes ses formes ainsi que tout un tas d'autres choses dont les mangas (passion depuis plus de 30 ans)💖 J'ai aussi un compte Instagram : @addict.passion

20 Commentaires

  1. Bravo pour cet article, je pense que tu as réussi à retranscrire l’essence du titre (que je n’ai pas encore lu) et ce que tu as ressenti à la lecture, puisque tu as réussi à m’émouvoir à la lecture de ton article.

    J’ai prévu de l’acheter tôt ou tard et j’espère ressentir autant d’émotions que toi, même si nous avons des vécus très différents qui je pense doivent influer sur l’impact du titre.

    En tout cas, encore une fois bravo à toi pour ce bel article écrit avec sensibilité, c’est pour ce genre d’articles que j’aime le blogging !

    1. Avant toute chose, je m’excuse de te répondre si tardivement. J’ai eu une fin de semaine compliquée et un début de weekend tout autant avec ma chienne malade… Et comme on la considère comme notre enfant, on est resté à son chevet toute la journée et une partie de la nuit.
      Mais là, comme elle dort, j’en profite pour me détendre un peu.

      Alors j’ai vu passer de loin ton avis sur le titre que je vais lire d’ici ce soir (le temps que je prépare mes billets de la semaine). Déjà, je tenais à te remercier pour ce beau compliment qui me touche beaucoup.

      My Broken Mariko est un manga qui m’a effectivement beaucoup parlé car il a su toucher une corde sensible, des émotions encore à vifs. Bien que le deuil que subit et vit Tomoyo soit différent du miens. Cela dit pour connaitre des personnes dont les enfants sont décédés par suicide, on retrouve l’aspect de la colère et de l’incompréhension. Ce besoin de comprendre et cette envie d’en vouloir également. c’est très complexe.

      1. Aucun besoin de t’excuser, on a tous une vie en dehors.

        J’espère que ta chienne va mieux, je comprends tout à fait le fait de considérer le chien comme un enfant, c’est pareil pour nous.

        Le titre m’a aussi parlé mais sur un autre niveau, j’ai essayer de l’expliquer dans mon article. Je ne suis pas certain d’avoir bien réussi mais j’ai fait de mon mieux.

            1. La panostéite est une maladie du jeune chien en croissance qui touche la moelle osseuse. Elle se manifeste par une douleur d’intensité variable, et est associée à une boiterie.

              C’est la seconde fois que ma chienne a une boiterie. En novembre c’était l’autre patte avant et les symptômes corroborent. Je verrais donc avec le véto pour infirmer ou confirmer. Le truc de rassurant, c’est que c’est apparemment bénin.

    1. Je lirai ton avis et partagerai avec toi avec plaisir. Oui, ce sont des sujets aussi complexes que particuliers. Le deuil est tabou que ce soit au Japon où ailleurs (je le vis moi même en France). Les gens ne savent jamais comment se comporter avec les endeuillés. Un sujet qui me touche de très près.
      Toutefois, la mangaka traite tout cela de manière très belle et avec une certaine pudeur. Certaines thématiques comme la violence et l’inceste sont suggéré. Ici, le deuil est mis en avant. Comment le gérer ? Comment vivre avec la personne disparue ? Comment apprendre à s’apaiser avec ça… Bref ^^

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